Harcèlements judiciaires par les autres sectes.

http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-3224,50-970123,0.html


La justice donne raison à des mouvements soupçonnés de dérives sectaires
LE MONDE | 23.10.07 | 16h13  •  Mis à jour le 23.10.07 | 16h13

e président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), Jean-Michel Roulet, a annoncé devant des hauts fonctionnaires réunis mercredi 17 octobre avoir été mis en examen pour "diffamation", après avoir indiqué, dans un reportage télévisé, que les sommes collectées par l'organisation Tradition Famille Propriété (TFP) pouvaient "servir à tout et à n'importe quoi". Le mouvement se définit comme une association catholique de laïcs sans but lucratif. Il comporte, selon le dernier rapport de la mission, "un risque de dérives sectaires (...) marqué par l'opacité de (son) fonctionnement et l'incertitude sur (ses) finalités". Mais s'il fait l'objet d'actions administratives et judiciaires, "il n'a jamais été condamné", rappelle son avocat, Gérard Ducrey.

Cette mise en examen, automatique dans les affaires de diffamation, constitue le point d'orgue d'une série de procédures judiciaires engagées par des mouvements soupçonnés de dérives sectaires par les pouvoirs publics, à l'encontre de représentants de l'Etat, d'élus ou d'acteurs de la lutte antisectes. M. Roulet est aussi "témoin assisté" dans le cadre d'une plainte déposée par les Témoins de Jéhovah pour diffamation, après les auditions de la commission d'enquête parlementaire sur les sectes et les mineurs. Nicolas Jacquette, un ancien membre de ce mouvement, auteur d'un livre-témoignage - Nicolas, 25 ans, rescapé des Témoins de Jéhovah (éditions Balland) - est dans le même cas.

Par ailleurs, le député Jean-Pierre Brard (app. PCF), plusieurs fois attaqué, et une fois condamné pour diffamation envers les Témoins de Jéhovah, devrait comparaître prochainement devant le tribunal correctionnel de Paris. Le vice-président du groupe d'études sur les sectes à l'Assemblée nationale est poursuivi pour avoir qualifié les Témoins de Jéhovah de "parfaits délinquants". "Cible habituelle" de ces mouvements, M. Brard demeure convaincu que "malgré tous ces procès qui nous sont faits, il ne faut pas céder".

CRÉDIBILITÉ FRAGILISÉE

Cette offensive judiciaire ne doit rien au hasard. "Les Témoins de Jéhovah se font plus procéduriers, par la force des choses", estime leur avocat, Philippe Goni. "Depuis 2000, date à laquelle le Conseil d'Etat a reconnu le caractère cultuel du mouvement, ils sont harcelés par les groupes antisectes. Ils ont décidé de ne plus rien laisser passer."

"Face aux attaques permanentes, TFP a aussi décidé qu'il fallait que cela s'arrête", ajoute Me Ducrey. Et même si, reconnaît Me Goni, "l'image des Témoins demeure assez négative dans l'opinion publique" - le nombre d'actes de vandalisme contre leurs édifices cultuels est en hausse constante, selon le ministère de l'intérieur -, les dernières décisions de justice leur sont plutôt favorables.

Ainsi, en juillet, Catherine Picard, présidente de l'Unadfi (Union nationale des associations de défense de la famille et des individus), a été condamnée pour diffamation à l'encontre des Témoins de Jéhovah. Dans un entretien, elle affirmait que le groupe était "structuré de manière pyramidale, comme tous les mouvements mafieux".

En mars, la justice a statué en faveur du mouvement, à qui la ville de Lyon avait refusé la location d'une salle municipale. En septembre, la décision d'un directeur d'hôpital qui avait interdit à un membre des Témoins de Jéhovah de rendre visite à un patient a été annulée par le tribunal administratif de Caen.

Pour M. Roulet, "le harcèlement et l'intimidation judiciaires constituent précisément l'un des critères de la dérive sectaire" d'un mouvement. D'autres observateurs estiment que la multiplication de ces décisions pourrait fragiliser la crédibilité de la lutte antisectes telle qu'elle est menée en France.


Stéphanie Le Bars

CHRONOLOGIE

LE 10 JANVIER 1996,

une commission d'enquête parlementaire évalue à 172 le nombre de groupes dangereux qualifiés de "sectes" et à 250 000 le nombre d'adeptes occasionnels ou réguliers. Un observatoire des sectes est créé.

EN 1998,

cet observatoire est remplacé par la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (Mils), placée sous l'autorité du premier ministre, et présidée par Alain Vivien, auteur d'un rapport sur les sectes dès 1982.

EN 2000,

la Mils préconise la dissolution de l'Eglise de scientologie.

EN 2002,

M. Vivien démissionne. La Mils devient la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), présidée par Jean-Louis Langlais. Il est remplacé en 2005 par Jean-Michel Roulet. 

You have no rights to post comments